Découvrez en français et en anglais la seconde partie de l’interview du Pr.Moreno publiée sur le portail espagnol de l’environnement i-AMBIENTE.

Quel est le rôle des réseaux sociaux et des blogs dans la divulgation de l’innovation ? Comment faire pour placer le citadin au cœur de l’Intelligence urbaine ? Quel est le rôle de ce que l’on appelle l’ « Internet des objets » dans l’évolution de l’innovation ?… Autant de problématiques que le Professeur éclaire de son analyse.

 

Antonio Sánchez Zaplana : Nous avons navigué sur votre blog et avons adoré son titre « La passion de l’innovation ». Pour quelle raison avez-vous choisi ce titre ?

Professeur Carlos Moreno : Car c’est cela qui m’anime… la passion de l’innovation. La vie créative comme mode de vie est avant tout une passion… des convictions profondément enracinées, l’envie de faire bouger les lignes, la curiosité, la capacité de surprendre et d’être surpris, la transversalité, le fait de croiser les points de vue, le brassage, le mélange, l’altérité, l’empathie… dans tous les domaines.

Innover, c’est repousser les frontières dans tous les sens du terme, promouvoir l’ouverture et participer à un métissage indispensable pour se préparer à l’avenir en ouvrant de nouvelles voies. C’est pourquoi je souhaite continuer à apporter ma modeste contribution pour transformer nos vies et nos villes, en axant ma démarche sur la science, la technologie, l’innovation et le monde numérique.

Participer à l’élaboration d’un chemin, dont l’objectif n’est rien d’autre que l’élaboration même, source de découvertes et d’émerveillement, de ce chemin, est une aventure réellement passionnante, bien qu’elle puisse être longue et semée d’embûches. Je renouvelle ici même ma volonté de m’investir dans cette initiative pionnière, par le biais du rôle qui m’est offert sur la scène nationale et internationale. Les réalisations concrètes que nous mettons en œuvre dans les villes où nous sommes actifs démontrent que cette initiative a donné naissance à des projets qui en justifient pleinement la validité. Ainsi je suis décidé à poursuivre son développement au sein d’un écosystème sans frontières, puissant et dynamique. Voir sur ce thème mon article L’intelligence ambiante et la ville de demain (montage audiovisuel).

Mon objectif est de contribuer par mes efforts à donner vie à cette initiative, en participant à ce qui est un véritable mouvement de fond. Un mouvement dans lequel confluent les sciences de la complexité, la modélisation des usages et des services au cœur de la ville, et la révolution numérique. Un mouvement qui aspire à transformer nos vies de manière durable, en conférant à la technologie numérique sa plus belle fonction : créer du lien entre les hommes.

Antonio Sánchez Zaplana : D’après-vous quel est le rôle des réseaux sociaux et des blogs dans la divulgation de l’innovation ?

Professeur Carlos Moreno : Leur rôle est fondamental, étant donné l’impact des réseaux sociaux et des blogs, qui sont des lieux ouverts de réflexion, d’information, de culture, d’apprentissage, d’émergence d’idées, de discussion, d’échange et également de création. Il s’agit d’une contre-culture indispensable pour résister à la culture officielle, fondée sur un culte de la hiérarchie qui freine, voire immobilise, et conduit à une verticalisation des tâches au sein de structures rigides, alors que la créativité exige au contraire une circulation fluide et de la diversité. Selon moi les réseaux sociaux forment ensemble un moyen d’expression libre qui constitue un outil puissant pour instaurer d’autres paradigmes de pensée et d’action. Avec les réseaux ouverts, nous assistons à l’installation et à la reconnaissance de ce citoyen hyper-connecté, participatif et socialisé qui, immergé dans la multitude, nous dit « oui, je suis là, nous sommes là ».

La participation du citadin à la vie de sa ville par le biais des réseaux sociaux crée un « digizen », selon le terme inventé par notre ami espagnol, le brillant Pablo Sánchez Chillón (@PabloSChillon), qui participe de façon dynamique à la création de nouveaux usages et au bien-vivre dans une cité vivante.

Notre devoir, en tant que fervents défenseurs de l’innovation, est donc de mobiliser collectivement les universitaires, les chercheurs, les industriels, les citoyens et les responsables de tout type pour réfléchir ensemble et débattre sous une forme collaborative et transversale à l’échelle internationale. La bonne nouvelle est que cette réflexion est déjà lancée et qu’elle émane d’une communauté qui certes réfléchit, discute, échange des opinions, mais qui agit également et partage ses bonnes pratiques…. Le Portail i-ambiente en est un exemple parmi tant d’autres, n’est-ce pas ?

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Antonio Sánchez Zaplana : En naviguant sur votre blog nous avons rencontré cette phrase : « ce ne sont pas les innovations technologiques qui font que les villes deviennent intelligentes, il s’agit avant tout de mettre le citoyen au centre de toute démarche innovante ». Comment faire pour placer le citadin au cœur de l’Intelligence urbaine ?

Professeur Carlos Moreno : Le citadin doit occuper une place centrale, être acteur, avoir la possibilité d’être informé, de réagir, de débattre dans le cadre d’une approche inclusive. Il ne faut pas entretenir une vision idéalisée ou figée des citadins – car ces derniers évoluent et se construisent dans des contextes différents – mais les savoir capables de participer à un mouvement, une dynamique, de générer de la créativité et de la valeur sur le plan social, économique et de la qualité de vie.

Cette notion d’usages et de services pour tous a été transformée par l’apparition des réseaux sociaux, qui ont converti les réseaux numériques en une source de veille informative qui, tout d’abord individuelle, est rapidement devenue un formidable creuset de veille collective, d’une ubiquité sans limites dans le temps comme dans l’espace. Comme le dit Michel Serres, l’espace du voisinage immédiat disparaît dans le nouveau monde dessiné par la technologie numérique, puisqu’il met, à tout moment et en tout lieu, l’information collective et un certain niveau de culture à la portée de tous.

Une nouvelle transformation, une « révolution au sein de la révolution » est à l’œuvre, avec la projection de cette puissance immatérielle dans notre vie quotidienne, le monde réel, auquel renvoie ce tag bien connu sur les réseaux sociaux #IRL – In Real Life. En revanche, cette transformation resterait une pure chimère technocratique si son véritable moteur n’était pas réellement la transformation par l’usage, l’apparition de fonctions qui font que nos vies évoluent et s’améliorent, créant à tout moment et en tout lieu un degré opportun de lien social, afin de pouvoir tisser dans la vie réelle de nouvelles relations entre les hommes et les femmes, les administrateurs et les administrés, les structures institutionnelles officielles et les systèmes diffus, informels et déstructurés de la multitude numérique. Il s’agit avant tout de faire de la vie du citadin connecté un authentique lieu de changement et de transformation.

Avec l’utilisation de la technologie au service d’usages urbains, nous entrons dans la phase initiale d’une tendance profonde, qui va créer des services et utilisations radicalement nouveaux, mais qui va également transformer la réponse des villes et des métropoles face aux besoins vitaux et aux exigences de bien-être de ses habitants, ainsi que leur manière d’affronter les problèmes qu’elles rencontrent.

Au travers des réseaux sociaux, tout en chacun pourra contribuer à l’élaboration de services publics, et il est probable que de nouvelles manières de vivre feront leur apparition. Nous assistons également à une révolution dans les formes d’organisation : peu à peu les systèmes hiérarchisés et verticalisés sont remis en question, car à l’heure actuelle, avec la diffusion massive et horizontale de l’information, chacun peut s’approprier des compétences et participer par ses contributions à l’élaboration de solutions.

Antonio Sánchez Zaplana : On peut lire sur votre site Internet un article très intéressant sur l’échec de certaines initiatives et certains promoteurs de projets de Smart Cities. Quelle est la raison de ces échecs ?

Professeur Carlos Moreno : Ces échecs sont essentiellement dus à un fonctionnement technocentrique, dans un environnement de management technodirigiste. L’absence d’une vision à long terme inclusive sur le plan social et urbanistique, fait que le discours élaboré au sujet des Smart Cities s’apparente plus à une sorte d’invocation, de mantra. Cette déconnexion du réel est opposée à notre immersion dans un monde ouvert, hyperconnecté, dans lequel tout est interdépendant.

Dans mon article “La technologie hacke la ville. Et si la ville hackait la technologie ?”  j’explique en effet que l’on assiste toujours plus, au travers de la planète, à des manifestations de lutte contre de grands projets lancés sans consultation préalable des citoyens, pour la préservation de (vrais) espaces de vie, de l’environnement, de la qualité de vie, de l’aménagement urbain. Je dis que le moment est venu de renverser la tendance et d’assumer un autre choix, celui de la Ville Vivante, « Live in a living City », de la « Ville Futée » dont a parlé Nicolas Curien de l’Académie Française des Technologies, ou encore de la ville fragile, impermanente, résiliente. Il est temps de sortir de la vision utopiste de la ville considérée comme un jeu vidéo, planifiée, simulée, vue comme une performance technologique, là où les véritables enjeux se nomment vie, dynamisme, créativité, participation et, avant tout, inclusion.

Il me semble que finalement nous sommes encore bien souvent prisonniers, dans cette deuxième décennie du XXIe siècle, du taylorisme de la fin du XIXe siècle, qui a révolutionné l’industrie de son temps mais a également conduit à un redoutable culte de l’objet technologique. Ce paradigme est dépassé car il nous empêche de migrer vers une nouvelle forme de culture industrielle, celle de l’innovation, qui s’appuie sur la gestion de la complexité et la conception de services, en ligne avec un nouveau monde de services ubiquitaire et hyper-connecté.

Une culture accordant une place exagérée à l’ingénierie peut nous enfermer dans un carcan qui sépare, de manière analytique, des systèmes qui sont en réalité naturellement reliés. Ainsi la culture numérique ne se résume pas à un exercice calculatoire ou à la virtualisation du monde par la puissance algorithmique, de même que la culture de l’innovation ne peut se réduire au développement d’une nouvelle procédure ou d’un objet technologique, quelque puissants qu’ils soient.

La pensée créatrice doit être guidée par l’émergence de nouveaux usages ou fonctions : la compréhension des interactions entre systèmes interdépendants, qui permet d’inventer ou des réinventer des usages ou services nouveaux pour transformer la vie réelle. « Voir mon article « Révolution numérique et science de la complexité – hommage à Alan Turing »)

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Antonio Sánchez Zaplana : En septembre, vous participerez à la Conférence « Quand les datas et les objets deviennent communicants », qui se tiendra à Montréal. Quel est le rôle de ce que l’on appelle l’ « Internet des objets » dans l’évolution de l’innovation ? Sommes-nous prêts à traiter un tel volume d’informations ?

Professeur Carlos Moreno : L’Internet des objets, l’IoT pour utiliser le sigle anglais, s’inscrit dans la logique de développement de la révolution numérique. La véritable rupture se produit actuellement avec le web réincarné et les objets qui transcendent leur fonction.

Nous sommes en train de vivre, avec l’avènement du paradigme ubiquitaire, une période de rupture technologique très forte. Toutes les analyses le soulignent, à juste titre. Grâce à l’utilisation du silicium embarqué, tous les objets ont en effet aujourd’hui la capacité d’être connectés et communicants. Cette évolution nous pousse à porter un regard nouveau sur les objets que nous utilisons au quotidien, car la technologie leur confère désormais des capacités de communication, de maillage et d’intelligence. On évalue actuellement à 6 milliards le nombre d’objets connectés dans le monde, pour un total de 7 milliards d’habitants et dans une dizaine d’années, ce nombre d’objets connectés sera multiplié au moins par 5. Les possibilités technologiques qui s’ouvrent à nous paraissent dès lors quasi infinies.

Les objets du XXIe siècle intègrent trois composantes différentes : technique, connaissances et sociabilité. C’est ce qui caractérise, selon moi, l’Internet des objets : quelle que soit la façon dont il est connecté, tout objet a désormais un usage social.

Cette socialisation de l’objet connecté concerne également ce que l’on nomme le « corps augmenté ». Le téléphone mobile est déjà devenu pour nombre de gens une sorte de prothèse numérique, qui fait partie du corps en le prolongeant. Demain les lunettes Google ou autre permettront, non de corriger une vue défaillante, mais d’augmenter la réalité perçue, en nous en donnant une vision différente, augmentée par des contenus sociaux. Là se situe la nouveauté : en étant connecté, un objet comme une paire de lunettes devient un objet social. Et c’est précisément la raison pour laquelle, dès lors, il n’y a plus d’opposition entre le monde physique réel et le monde virtuel : au contraire, le monde physique est traversé par le monde numérique et sa dimension sociale, qui permettent de créer de nouveaux usages et services dans le monde physique. L’auto-partage par exemple, permet de repenser la mobilité à travers les objets connectés que sont les recharges, les bornes et les véhicules.

Le concept d’hybridation entre monde physique et monde numérique doit donc être lui aussi, je pense, compris à la lumière de cette notion de socialisation. L’hybridation permet de partir du monde physique pour le réinventer, via l’internet des objets et le corps augmenté, en proposant des usages et des services entièrement nouveaux. L’hybridation n’est pas une chose nouvelle, car l’homme s’est toujours approprié son espace de manière créative par le biais de la technique puis de la technologie. Ce qui est nouveau, à l’heure actuelle, c’est que la technologie ouvre des espaces nouveaux en reliant socialement les individus.

Si l’on applique ces considérations à la ville, de même, on voit que les potentialités de l’internet des objets sont extrêmement riches, et qu’elles ne se résument pas à un frigo qui nous alerte quand il n’y a plus de beurre. La ville étant un territoire de vie et de rencontres, les objets connectés sont un outil pour faire émerger de nouvelles expériences de vie qui donnent naissance à des usages et services inédits, dans le domaine administratif, des loisirs, de la santé, de la sociabilité etc. Par exemple, les seniors peuvent être connectés à des services de soins médicaux mais aussi à des réseaux sociaux qui leur sont dédiés pour améliorer leur quotidien. Au sein des villes, les citoyens connectés et actifs, les « digizens » dont nous parlons avec Pablo Sánchez Chillón, jouent un rôle essentiel dans ce mouvement de création de nouveaux usages et services en promouvant une socialisation territoriale féconde.

J’aimerais souligner pour finir le rôle que jouent les plateformes dans ce processus d’hybridation. Les plateformes sont des systèmes qui permettent d’agréger, d’enrichir, de récréer, de contextualiser des informations, mais c’est surtout par leur biais que les usages et les fonctionnalités peuvent être repensés et incarnés. Véritables espaces d’agrégation et de rencontres dans lesquels convergent les mondes physique, numérique et social, les plateformes sont des lieux où l’on appréhende autrement les usages. A travers les plateformes dédiées à la mobilité en ville par exemple, la voiture n’est plus pensée comme un objet propre mais comme une fonctionnalité, parmi d’autres, pour se déplacer. Les plateformes font ainsi naître une culture de l’aller-retour entre le monde physique proprement dit et celui médié par le monde numérique, l’hybridation permettant dès lors de générer de nouvelles possibilités, et l’immersion sociale de les concrétiser.

L’Internet des objets ne doit donc pas être considéré comme un univers superflu ou un simple gadget technologique, mais bien comme une possibilité, pour l’homme, de se réapproprier son espace en lieu de sociabilité et de créativité. Tous les objets qui nous sont les plus familiers deviennent ainsi des objets dont il peut être fait un usage nouveau au travers d’interfaces numériques. D’où la notion d’« esthétique de l’hybridation », à laquelle j’accorde une grande importance, car cette dernière donne naissance à ce que l’on nomme la conception de services, notion majeure pour comprendre la culture de l’innovation qui est en train de naître.

De même qu’un designer conçoit un objet fonctionnel pour lui conférer des usages nouveaux ainsi qu’une certaine esthétique, les allers retours entre monde physique et monde numérique via les plateformes vont permettre de reconcevoir les services et les fonctionnalités de la vie quotidienne, notamment urbaine.

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Antonio Sánchez Zaplana : Vous participerez à la XIVe rencontre des villes ibéro-américaines de Quito. Quel est le rôle primordial joué par ce type d’évènements en Amérique Latine ?

Professeur Carlos Moreno : Il s’agit effectivement d’un évènement d’une importance majeure, compte tenu de la place importante qu’occupe l’Amérique Latine dans le concert des nations, et encore plus de sa part dans l’évolution de la population mondiale attendue à l’horizon 2020-2050.

Une récente étude de l’AHCIET, qui organise cet évènement en collaboration avec la ville de Quito, a montré qu’en Amérique Latine, la croissance est largement portée par le marché des télécommunications, avec une progression globale de l’emploi dans ce secteur qui atteint 60 % sur ce continent, ainsi qu’une nette augmentation des investissements en capital (28 %), en dépit de la crise mondiale.

Ce fort développement trouve son assise dans la convergence de deux phénomènes : d’une part, la connectivité numérique massive réalisée par le biais de l’éducation, et d’autre part les services sociaux à destination de la collectivité, en ce qu’ils constituent un puissant outil de création de lien social.

Du nord au sud du continent, dans le cadre d’un courant rénovateur lié à l’enracinement de l’Amérique Latine dans le processus démocratique, un puissant mouvement d’appropriation de la technologie, et notamment du numérique, a vu le jour.

Dans ce basculement du monde de l’axe nord-ouest vers un axe est-sud, l’Amérique Latine est devenue un acteur majeur avec qui il faut compter. Nous voyons ainsi émerger, à travers tout le continent, une démarche structurée qui fait de la notion d’« Agenda numérique » une priorité.

Cette démarche, dans laquelle s’inscrit la Rencontre ibéro-américaine des villes numériques, a pour ambition, non pas de promouvoir la technologie et ses développements au profit du pouvoir technocratique mais bien au contraire de transformer les espaces publics, les services publics et l’administration par les usages du numérique et de donner un rôle majeur à l’initiative citoyenne, le tout dans une approche ouverte d’innovation sociale, ce qui en fait une démarche singulièrement pionnière.

L’Amérique Latine, par sa créativité chaque jour renouvelée, devient ainsi un « Living Lab » à ciel ouvert, concept qui poussé à l’échelle de la ville rejoint la notion de Living City que j’ai traitée ailleurs. Elle incarne en effet une autre manière de concevoir le développement urbain, qui n’est pas celui de la « ville intelligente » ou de la Smart City où priment technologie, algorithmes et simulations, mais au contraire une ville vivante, pédagogue, initiatique, citoyenne, participative, porteuse de culture, d’innovation sociale, de liens sociaux et de brassage.

Ce n’est donc pas un hasard si Medellin, en Colombie, a été déclarée la ville la plus innovante du monde à l’issue d’un concours organisé par le Wall Street Journal. Cette ville, qui, il n’y a pas si longtemps, défrayait la chronique pour ses affaires liées à la mafia, ses trafics de drogue et sa violence, est devenue, grâce aux capacités de ses dirigeants et à la création d’un puissant écosystème d’innovation, une ville exemplaire, qui sert d’objet d’étude dans le monde entier (voir l’article Medellín’s aerial cable-cars : social inclusion and reduced emissions – page 58 du PDF à télécharger ici).

Voilà pourquoi la XIVe rencontre des villes ibéro-américaines, placée sous le thème de la ville numérique, est d’une importance majeure. L’AHCIET et Digital Quito ont en effet mis le cap sur un programme stratégique de développement qui met l’accent sur la convergence entre l’innovation sociale, l’intelligence urbaine et la force de la révolution numérique.

Les points de contribution essentiels de cet évènement au mouvement international de l’intelligence urbaine « axée sur le citadin » peuvent être résumés ainsi :

  • Apporter une dynamique à la communauté de l’innovation urbaine citoyenne en accordant la priorité à l’intelligence sociale
  • Montrer comment les pays en développement, dotés d’une population démographiquement jeune, construisent jour après jour des démocraties participatives grâce à la culture et à l’éducation, en exploitant la révolution numérique
  • Porter l’élaboration de modèles de développement inclusifs au-delà des simples aspects intégrateurs
  • Projeter la révolution numérique vers la création d’une meilleure qualité de vie
  • S’impliquer pour faire progresser sur le plan social, culturel et économique les secteurs marginalisés de la population
  • Conférer des capacités d’action aux citoyens connectés
  • Donner vie au mouvement de fond de l’Agenda numérique au sein des gouvernements et administrations.

 

Le travail en profondeur mené aussi par d’autres acteurs et leaders d’opinion espagnols cités précédemment, tels que Pablo Sanchez Chillon (@PabloSchillon) à Alicante, Paco Prieto (@servilleta) à Guijon ou Pilar Conesa (@PilarConesa) à Barcelone est un autre élément déterminant qu’il convient de souligner.

Ensemble, nous forgeons à l’heure actuelle un nouveau paradigme, en passe de devenir la référence dans le débat sur la ville qui ainsi, peu à peu, laisse de côté le techno-centrisme.

Pour toutes ces raisons, alliées aux forts liens culturels qui me relient à ce continent où je suis né, je suis aujourd’hui fier de m’investir dans cette manifestation, qui est avant tout un lieu de rencontre, de brassage, d’altérité et d’empathie, pour continuer à construire une vision d’avenir dans cet univers ibéro-américain.

Alicante et Paris, août 2013.
Professeur Carlos Moreno

Antonio Sánchez Zaplana: We’ve been looking through your blog and we loved the title “Passion for innovation”. What’s the reason for this title?

Professor Carlos Moreno: That’s what fires me up… passion for innovation. Creativity as a way of life is first and foremost a passion… it’s about deeply rooted convictions, pushing frontiers, being curious and being able to surprise and be surprised, looking at things from new angles, how others see things and how we see things, brassage, mash-up, alterity, empathy… in every area.

To innovate is to push back frontiers in every sense of the word, to foment openness and participate in the cross-fertilisation that’s indispensable if we’re to find new ways of facing up to the future. That’s how I wish to keep making my modest contribution to transform our lives and our cities, with science, technology and innovation leading my initiative.

Participating in the construction of a path whose objective is none other than the co-construction, full of discovery and amazement, of the path in itself, is something really exciting, even if the path is long and not always easy. I hereby renew my pioneering commitment to this initiative, playing the role offered to me on the national and international scene. What’s more, our accomplishments in the cities we’re working in demonstrate that this approach has given rise to projects that prove the legitimacy of this initiative. So I’m involved in an attempt to carry out in-depth examination of its development within a powerful, dynamic, frontierless ecosystem. On this topic I refer you to my article Ambient Intelligence and the City of Tomorrow (Slideshow).

My objective is to participate, helping to bring this initiative to life, in this groundswell. This is a place where the sciences of complexity, the modelling of uses and services in what most deeply affects the city and the digital revolution converge. It’s a movement which aspires to transform our lives in a lasting fashion, entrusting digital technology with its noblest function: bringing people together.

Antonio Sánchez Zaplana: How do you see the role played by social networks and blogs in the dissemination of innovation?

Professor Carlos Moreno: It’s fundamental, given the impact of social networks and blogs as open forums for reflection, information, culture, learning, the emergence of ideas, discussion, exchange and also creation. It’s a counterculture which is an essential counterblast to a culture which is really a cult of the hierarchy that slows, and even immobilises (change) and leads to a verticalisation of tasks within rigid structures, right where creativity requires, on the contrary, fluid circulation and diversity. I maintain that social networks as a whole, as an open expression, are a powerful tool for establishing a new paradigm of thought and action. With open networks we’re witnessing the rise and the recognition of this hyper-connected citizen who’s participative and socialised, who from his or her immersion in the multitude says “Yes, I’m here, we’re here.”

The participation of citizens in the life of their city via social networks, as “digizens” – a term coined by my friend from Alicante, the brilliant Pablo Sánchez Chillón (@PabloSChillon) – significantly drives creation of uses and living well in a living city.

Our duty as fervent innovators is rooted in the collective mobilisation of academics, researchers, industry leaders, citizens and people in all kinds of positions of responsibility to collectively reflect, share views and debate in a spirit of cross-disciplinary collaboration all over the world. The good news is that this reflection has already begun and is the work of a community that reflects, discusses, changes opinions and implements and shares best practices. The i-ambiente website is one good example among many, don’t you find?

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Antonio Sánchez Zaplana: When browsing your blog we found this statement: “It’s isn’t technological innovation that makes cities become intelligent, it’s about first and foremost placing the citizen at the centre of any innovative initiative.” How do we place the citizen at the heart of Urban Intelligence?

Professor Carlos Moreno: The citizen has to be at the centre of things as an actor, and should be enabled for information, reaction, deliberation, inclusion. “Citizens” shouldn’t be an idealistic or mystical vision, for each citizen evolves and builds himself in a different context, but only the ability to devise a movement – a dynamic – can generate creativity, economic value for society and quality of life.

This notion of use and services for each person has been transformed by the appearance of the social networks, which convert digital networks into a source of informative intelligence, on an individual basis at first but which has also quickly resulted in a formidable chrysalis of collective intelligence without limits of ubiquity, in the spatial as well as the temporal sense. As Michel Serres notes, the space inherent to the neighbouring disappears in the new world which is taking form with digital technology, for this technology provides us with collective information and a certain level of culture at all times and in any place.

A new transformation in underway, another “revolution within the revolution”, with this intangible power projected into our everyday lives, the real world. Or as a well-known Internet acronym would have it: #IRL – In Real Life. However, this transformation would be a mere technocratic chimera if its real driver were not that of transformation by use, that of the function which makes our lives evolve and improve, creating – at any time, in any place – a healthy dose of social bonding, followed by the formation in real life of new relationships between men and women, the governed and the citizens, formal institutional structures and the diffuse, informal and un-structured systems of the digital multitude. It’s first and foremost about transforming the lives of connected citizens into authentic places and real moments of change and transformation.

With technology that can be used by citizens, we are entering the initial phase of a profound trend that is going to create radically new services and uses, but is also going to transform the way citizens and metropolises respond to the living and welfare needs of their inhabitants and the way they confront the problems that affect them.

Through social networks, each person will be able to contribute to the development of public services, and new ways of living are likely to emerge. We are also witnessing a revolution in forms of organisation: little by little, hierarchical and vertical systems are being questioned since, with the current massive and horizontal dissemination of information, each person can acquire skills and participate with their contributions to the construction of solutions.

Antonio Sánchez Zaplana: There’s a very interesting article on your blog about the failure of certain initiatives designed to encourage smart city projects. What was the reason for the failure?

Professor Carlos Moreno: Essentially, the reason lies in a techno-centric approach, a techno-dirigiste environment. The absence of a long-term vision that accommodates social and planning aspects means the discourse on Smart Cities is treated as a watchword, a mantra. This is in conflict with our immersion in an open, hyper-connected world where everything depends on everything else.

In my article, “Technology hacks the city. What if the city hacked technology?” I explain how all over the planet we are increasingly witnessing manifestations of struggle against major projects – launched without prior consultation of citizens – to preserve (authentic) life spaces, the environment, quality of life and urban planning. In my view, the time has come to reverse the trend and pursue an alternative option, that of the Living City, the “wise city” envisaged by Nicolas Curien of the Académie française de technologie, of the fragile, impermanent, resilient city, to drop the utopian vision of the city as a videogame: a place that’s planned, simulated, seen as a feat of technology. The real challenges are called life, dynamism, creativity, participation and, above all, inclusion.

It seems to me that finally, in this second decade of the twenty-first century, in many cases we are still prisoners of the Taylorism of the late 19th century, which revolutionised the industry of its day and which in its ramifications leads to a dangerous cult of the technology object per se. This obsolete paradigm is still preventing us from evolving towards a new form of industrial culture, a culture of innovation, based on the management of complexity and the design of services and in line with a new world of ubiquitous, hyper-connected services.

The culture of poorly-channelled underlying engineering may imprison us in a mould which analytically separates systems which in reality are naturally connected. Digital culture cannot be reduced to merely the calculated exercise or the virtualisation of the world via the power of an algorithm, just as the culture of innovation cannot be reduced to the development of a new procedure or technological object, no matter how powerful these may be.

Creative thought has to be guided by the emergence of another use or another function: the comprehension of the interactions between inter-dependent systems, enabling the invention or reinvention of new uses and services for transforming real life. (See my article “Digital revolution and science of complexity – a tribute to Alan Turing”)

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Antonio Sánchez Zaplana: In September you’ll be participating in the Montréal conference “Quand les Datas et les Objets deviennent communicants”. What is the role of the so-called “Internet of Things” in the evolution of innovation? Are we ready to process so much information?

Professor Carlos Moreno: IoT – the Internet of Things – is the logic of development of the digital revolution. The real rupture is occurring now, with the reincarnated World Wide Web and objects which transcend their functions.

With the arrival of the ubiquity paradigm, we’re in a period of significant technological rupture. All the analyses confirm this, and with reason. Thanks to the incorporation of silicon, at present all objects are capable of being connected and communicating. This evolution forces us to view everyday objects with new eyes, for technology endows them with the ability to communicate in an integrated and intelligent fashion. At present, for a total of 7,000 million inhabitants, the number of connected objects in the world is estimated at 6,000 million, and it is forecast that within ten years this figure will multiply by at least 5. The technological possibilities that this trend is opening up to us look almost infinite.

We might say that the objects of the 21st century comprise three distinct components: technique, knowledge and sociability. That’s what, in my opinion, characterises the Internet of Things: every object has a social use, regardless of the way it’s connected.

This socialisation of the connected object also affects what’s known as “the extended body”. For many people, their mobile phone has become a kind of digital prosthesis which is part of, or an extension of, their bodies. In the future, Google Glass and similar technologies will enable us to augment perceived reality, offering us a different vision, augmented by social content, while not exactly correcting our sight. And this is where the novelty lies: once it’s connected, an object – a pair of glasses, for instance – becomes a social object. And that’s exactly the reason why from now on there is no difference between the real physical world and the virtual world: on the contrary, the digital world and its social dimension penetrate the physical world, enabling new uses and services in the physical world. Sharing vehicles makes it possible to reconceptualise mobility via connected objects such as recharging, recharging points and vehicles

The concept of hybridisation between the physical and digital worlds has to be understood, in my view, in the light of this notion of socialisation. Via the Internet of Things and the extended body, hybridisation allows us to exit the physical world to reinvent it, and propose some totally new uses and services. Hybridisation is nothing new, for mankind has always appropriated space in a creative way, first via technique and then through technology. At present, what’s new is that technology is opening new spaces which connect individuals socially.

If we apply these considerations to the city, we can appreciate just how vast the potential of the Internet of Things is: it’s much more than a refrigerator that reminds us when there’s no butter left. The city is a territory of life, a meeting place, and connected objects represent a tool for making new life experiences emerge, giving rise to unknown forms of uses and services in administration, leisure, healthcare, sociability etc. For example, elderly people will be able to get connected to medical assistance services and social networks dedicated to improving their daily lives. In cities, connected and active citizens – the so-called “digizens” that Pablo Sánchez Chillón talks about – perform an essential role in this movement towards the creation of new uses and services, encouraging fertile territorial socialisation.

I’d like to stress the role performed by platforms in this process of hybridisation. Platforms are systems that allow us to accumulate, enrich, re-create and contextualise information; but above all, it’s via platforms that uses and functionalities can be rethought and given form. Platforms are veritable spaces for meeting and congregation, where various worlds converge: the physical, the digital and the social, and in this way they become places in which uses are perceived in a different way. With platforms dedicated to mobility in the city, for example, we no longer think of cars as objects in themselves but rather as functions, among others, for moving around. In this way, platforms give life to an essential outward-and-return culture between physical world and physical world via the digital world; and from there, hybridisation increases the possibilities, and social immersion makes it possible to turn them into reality.

The Internet of Things should not be seen as a superfluous universe or a mere technological gadget, but rather as a possibility for humanity to re-appropriate space as a place of sociability and creativity. All the objects most familiar to us in this way become objects which permit new uses via digital interfaces. Hence the concept of the “hybridisation aesthetic”, which is of paramount importance, since it generates what is known as design of services, a primordial notion for the comprehension of the culture of innovation which is now emerging.

Just as a designer redesigns a functional object to give it new uses with a certain aesthetic, the comings and goings between the physical and digital worlds via platforms will enable us to redesign the services and functionalities of everyday life, especially urban life.

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Antonio Sánchez Zaplana: You will be attending the XIV Iberoamerican Cities conference in Quito. What is the fundamental role of this type of event in Latin America?

Professor Carlos Moreno: It’s an event of major importance, given the importance of Latin America in the international context, and even more so considering its projection in the evolution of world population on the 2020-50 horizon.

A recent study by AHCIET, which is organising the event in conjunction with the city of Quito, has shown that growth in Latin America is basically sustained by the telecommunications market, with a global increase in employment in this sector of up to 60% throughout the continent, and a visible increase in capital investment (28%), despite the global crisis.

This important development is the result of the convergence of two major uses: on the one hand, massive digital connectivity via education, and on the other, social services directed at collectivities, as a powerful instrument of social cohesion.

From one end of the continent to another there is a current of renewal, linked with Latin America’s commitment to the democratic process, and a powerful process of technology application – especially the power of digital technology – has emerged.

As the world shifts from the north-west axis to the east-south axis, Latin America has become an important player, one to be reckoned with. And thus we see emerging, all over the continent, a structured initiative which makes the “Digital Agenda” initiative a priority.

The Iberoamerican Digital Cities conference is part of this initiative. Its aim is not to promote technology and development on behalf of technocratic power, but quite the contrary: it aspires to transform public spaces, public services and administration via the uses of digital technology, giving a leading role to citizen initiatives, at all times with an open-ended approach to social innovation, which gives this initiative an eminently pioneering character.

Due to its creativity in continuous renewal, Latin America is becoming an open-air “Living Lab”, a concept which, applied on a city-wide scale, coincides with that of the “Living City” which I have examined. And the point is that it embodies another way of conceiving urban development: not the smart city driven by technology, algorithms and simulation, but its opposite – a living city where we learn, a city centred on the citizen, a participative city, as a vector of culture, social innovation, social cohesion and cross-fertilisation.

It’s no coincidence, therefore, that the Colombian city of Medellín was declared the most innovative city in the world in a competition organised by the Wall Street Journal. Thanks to the abilities of its leaders and the creation of a powerful ecosystem of innovation, this city, which not so long ago used to grab the headlines for reasons of organised crime, drug trafficking and violence, has become an example to follow, an object of study all over the world (see the article “Medellín’s aerial cable-cars: social inclusion and reduced emissions” on page 58 of the PDF which you can download here).

For this reason, the XIV Iberoamerican Cities conference, whose theme is the digital city, is an event of major importance. AHCIET and Digital Quito have launched a strategic programme of development which emphasises the importance of the convergence of social innovation, urban intelligence and the strengths of the digital revolution.

The essential points of the contribution of this event to the international “citizen-centricurban intelligence movement can be summarised as follows:

  • To add dynamism to a citizen-based urban innovation community, with the priority on social intelligence
  • To show how countries with growing economies and young populations can build participative democracies in everyday life thanks to the use of the digital revolution in culture and education
  • To contribute to the construction of inclusive development models that go beyond integrative aspects
  • To project the digital revolution towards the creation of quality of life
  • To help marginalised sectors of the population make social, cultural and economic progress
  • To enable connected citizens to take action
  • To give life to the groundswell of the Digital Agenda, governments and open administration.

The investigations by the other protagonists and opinion leaders I’ve mentioned earlier, like Pablo Sánchez Chillón (@PabloSchillon) in Alicante, Paco Prieto (@servilleta) in Gijón and Pilar Conesa (@PilarConesa) in Barcelona, are another decisive factor which must be emphasised.

At this moment we’re together forging a new paradigm which it is hoped will provide a point of reference in the debate on the city, so that little by little it can leave techno-centrism behind.

For all these reasons, together with the close cultural ties which bind me to the continent of my birth, I feel proud to be part of this event, which first and foremost is a place of meeting, cross-fertilisation, alterity and empathy, so we can continue building a vision of the future in the Iberoamerican world.

Alicante and Paris, August 2013,
Professor Carlos Moreno

 

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