Crédit photo Carlos Moreno

Un déferlement médiatique se fait sentir concernant la décision du Tribunal Administratif de revenir en arrière concernant la piétonisation des voies sur berges, donnant lieu à la création du Parc Urbain des Rives de Seine. Une vague de commentaires se fait sentir pour mettre au pilori cette volonté de rendre aux citoyens l’espace public favorisant l’émergence d’une autre sorte de mobilité, sans voiture, décarbonnée et privilégiant la santé des urbains.

Mais sommes-nous certains, habitants de Paris, du Grand Paris, de l’Ile de France, et bien au delà, de la portée de l’enjeu qui se pose devant nous ? De quoi s’agit–il in fine ? La décision de fermer une autoroute urbaine qui traverse d’Est en Ouest une grande ville, telle que Paris, est–elle si exotique ? Il est temps de sortir du marasme médiatique, des études biaisées, des procès d’intention. Nous devons nous atteler avec objectivité et attention à poser en profondeur les tenants et les aboutissants d’une démarche qui ne peut être vue et appréciée que si l’on se situe dans la voie de l’histoire. Il s’agit de l’avenir, des vrais enjeux de fond et il y va –  et je pèse mes mots – de tout ce qui devient indispensable pour que nos villes deviennent encore respirables dans les années qui viennent. Il y va même du seul combat qui aujourd’hui vaille : la survie de la civilisation humaine à la fin de ce siècle, face au changement climatique.

Mais que se passe-t-il ailleurs ? Quand le Maire de Séoul décide de transformer en 2003 une autoroute urbaine de 10 voies qui traversa sa ville pour la faire devenir un parc urbain de 9 km de longueur et faire ressortir la rivière Cheonggyecheon enfouie, s’agit-il d’un crime de lèse (sa) majesté (la voiture) pour bannir pour toujours ses 160 000 voitures quotidiennes ? Et San Francisco qui décide en 1991 de détruire la « California 480 Highway » devenue depuis une des attractions de la ville avec ses voies pour cyclistes et piétons ? Près de nous, à Madrid, qui peut prétendre aujourd’hui que la récupération du fleuve Manzanares avec un parc urbain à la place de l’autoroute urbaine M30 n’est pas une réussite incontestable et à tout niveau ? La ville de Microsoft, Seattle aux USA, n’a t–elle pas démoli l’«Alaska Freway » pour créer en 2017 un parc piéton ? Allons dans un pays, le Brésil, où la possession de la voiture est synonyme de statut social. Le 20 avril 2014, l’autoroute urbaine, qui longeait le port, une des artères les plus sensibles et en proie à un trafic automobile intense a été tout simplement dynamitée aux yeux du monde, uniquement pour être rendue aux urbains pour améliorer la qualité de vie et rendre la ville plus respirable.  Que dire de l’appui de la Banque Interaméricaine pour le Développement dans ce continent, l’Amérique Latine, pour de multiples projets en vue de restituer des zones de circulation urbaine aux citadins ? Campo Grande, Quito, Sao Paulo… Toutes ces actions ont un point commun, rendre la ville plus attractive, en créant de la valeur urbaine économique, plus sociale par le brassage favorisé par des zones devenues accessibles à tous, plus écologique par les effets positifs de la fraicheur et la diminution de la pollution face au défi climatique. Mais toutes ces mesures dans chacun de ces pays, dans des continents très différents et avec des gouvernances de couleurs politiques très diverses, ont aussi un autre point commun : l’immense courage des Maires et gouvernances locales qui ont pris ces décisions de manière visionnaire mais aussi pragmatique !
Chacune de ces villes a connu l’émotion voire le choc, à l’annonce de ces transformations et a résisté aux changements, même de manière irrationnelle. Que reste-t-il aujourd’hui de ces exemples ? Les conséquences positives pour la qualité de vie des citoyens ! Ce qui paraissait impossible, délaisser la voiture au profit, non pas d’un autre mode de déplacement, mais avant tout d’un autre mode de vie, est devenu une réalité.

Les exemples sont légion, partout dans ce vaste monde urbain… La tendance est inéluctable, moins de voitures et plus de place pour les citadins… Ce n’est pas un combat contre la voiture, c’est un combat pour la vie. La question ne se pose pas de savoir si l’on roule en moteur thermique ou en électrique, mais pourquoi roulons-nous en voiture individuelle avec 1,2 places en moyenne par voiture ?

La ville est un organisme vivant qui subit au cours de son existence des multiples mutations y compris malgré nous… Soyons clairs, dans ce cycle de la vie et de la mort dans les environnements urbains, la prise de conscience face au changement climatique, après la COP21 et la gravité des enjeux de santé dans le monde entier, est une réalité. Et face à la dégradation de l’air, de l’intensité de la pollution, la présence des particules fines, très fines, nocives et du danger majeur qu’ils représentent, le cycle de la mort des autoroutes urbaines est bel et bien engagé, que cela plaise ou pas.

Ne pas l’accepter est attentatoire au bien commun citoyen. L’histoire jugera sévèrement celles et ceux qui veulent rester dans le mode de vie d’un siècle révolu. L’histoire aussi sera écrite par celles et ceux qui ayant des responsabilités publiques ont décidé de mettre fin à ce cycle de mort pour préférer la vie. Les citoyens, les urbains, toutes celles et ceux qui sont attachés à la ville et à la qualité de la vie comme un bien commun ne doivent pas hésiter à s’engager dans cette voie. Voilà pourquoi à Paris, le 10 mars, avec tant d’autres citoyens, nous allons être sur le pont (Louis Philippe). Pour que les voies sur berges, sous tous les ponts, restent sans voiture. Nous les voulons toujours piétonnes, acquises aux mobilités douces et au plaisir de la vie au bord de l ‘eau avec le Parc Rives de Seine. C’est un patrimoine collectif, d’aujourd’hui et de demain et il doit le rester pour toujours.

Carlos Moreno