Annoncer de fausses nouvelles et en tirer des bénéfices semble être le nouveau sport médiatique à la mode. On croit être à l’ère de l’hyper-connectivité alors qu’en fait, nous sommes à celle de l’hyper-fragmentation : nous assistons à une forme d’implosion de la déconnexion humaine, où chacun, replié sur soi, se construit sa propre vérité, source alors de manipulations.

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À l’heure de l’investiture de Donald Trump, le concept d’information “post-vérité” fait une brutale irruption dans nos vies avec son lot d’affirmations manipulatrices lancées à la cantonade ubiquitaire, et basées essentiellement sur la rumeur. Elles sont propagées massivement par les réseaux sociaux, confortées par des campagnes de “likes” devenues auto-réalisatrices et portées par l’effet amplificateur des “algorithmes” et leurs “bulles de filtres”, grâce à la simplicité binaire du “j’aime”. Au XXe siècle, la “propagande de masse”, avec Edward Bernays, a industrialisé la “manipulation des esprits” avec un mode opératoire réfléchi, donnant naissance au “marketing”, visant des objectifs parfaitement ciblés par le détournement des émotions au profit des industriels et des politiques. Face à la “post-vérité”, le “fact checking“, comme démarche de vérification systématique par les faits pour contrecarrer la rumeur, peine à s’imposer.

Primauté au mensonge et à la manipulation des faits

Transformer en vérité factuelle et objective une simple opinion qui n’engage que son auteur, et donner ainsi la primauté au mensonge et à la manipulation des faits, devient, à l’heure de l’hyperconnectivité, un enjeu majeur pour les promoteurs de la “post-vérité”. Au travers de ces néoplateformes de génération de rumeurs et désinformations comme les Breitbart, ils s’érigent en constructeurs de « valeurs de croyance » de masse.

Misant sur l’effet complémentaire de la viralité des plateformes devenues aussi des omni-médias, comme Facebook, Google et autres, le tour de force de ces promoteurs est de donner à chaque personne le sentiment d’être unique, d’être soi, d’être même original, quand en réalité, ce phénomène est porté par le développement d’un comportement massivement homogène, derrière et au profit d’un chef autoritaire, qui de surcroît fait fi de leurs états d’âme.

Ce n’est pas l’hyper-connectivité qui domine, mais l’hyper-fragmentation

Pour être combattue, cette démarche doit être analysée dans la convergence de 3 phénomènes nouveaux majeurs présents dans cette décennie : 1) l’hyper fragmentation, 2) la singularité négative et, 3) l’hyperdata.

1 – Trente années après la chute du mur de Berlin, vingt années après la naissance de l’Internet, dix ans après l’apparition des smartphones, et deux ans après la parution de l’Internet des Objets (IoT), ce qui est dominant -contrairement aux apparences-, ce n’est pas l’hyper-connectivité, mais l’hyper-fragmentation. L’humanité n’a jamais été autant en capacité de communiquer, et dans le même temps, l’individu n’a jamais été aussi isolé. L’attitude de « proximité de l’inconnu », chère à Levinas, la reconnaissance de l’Autre et la qualité de la vie sociale caractérisée par l’altruisme et la transcendance comme source d’inspiration, ne s’est pas encore produite. Au lieu de cela, nous assistons à une forme d’implosion de la déconnexion humaine, où chacun, replié sur soi, se construit sa propre vérité, source alors de manipulations. Au-delà de la post-vérité, c’est un subtil système de croyances personnelles qui est venu se substituer à la pensée objective et à l’analyse rationnelle des faits.

2 – Dans un monde qui a basculé majoritairement dans les villes, il y a une culture de vie urbaine qui peine à développer de la « singularité positive », pour aller d’une vie d’inconnu, isolée dans un non-lieu, impersonnelle et avec une vision négative de soi et d’autrui, vers un citoyen intégré dans un environnement porté par des ressources inspirantes et créatives. C’est l’échec de la capacité à reconnaître dans Soi et dans l’Autre ce qu’il apporte, au lieu de le percevoir comme une menace. Lutter contre cette tendance nécessite une vie urbaine créatrice de liens sociaux, d’hyper proximité, pour que la bulle des filtres personnels éclate au profit du mélange avec les Autres générant de la mobilisation et de la participation civique.

3 – À l’heure du Big Data, l’un des effets constatés dans cette décennie du XXIe siècle est la présence massive de l’hyper data, l’hyper donnée, la donnée orientée, celle qui échappe à sa qualité intrinsèque de mesure brute, d’indicateur rationnel à comprendre dans le contexte de sa production, pour devenir isolée et en roue libre, indicateur de sentiments, porteuse d’émotions, génératrice de comportements et moteur de tendances. L’hyper donnée, c’est la donnée – rumeur de masse, transformée en «fake news», devenue tendance (Trend Topic et ultra plébiscitée). C’est une source qui étant avant tout à vérifier, à traiter, à analyser et à comprendre, brûle toutes les étapes rationnelles pour être érigée en vérité invérifiable, celle qui se propage ensuite, et qui vivra sa vie comme outil redoutable de cette nouvelle guerre de cultures sans merci à laquelle nous sommes, partout dans le monde, dorénavant confrontés.

Perte de confiance, interaction émotionnelle et absence de compréhension des faits et du contexte deviennent ainsi les moteurs des actions collectives, donnant lieu à des situations dont les issues sont imprévisibles.

Le combat sera long et ardu. L’affronter avec lucidité, mais avec engagement et sans tarder, est indispensable, car il y va de la qualité de notre vie et de celle des générations à venir.

Vida urbana, singularidad y posverdad

En el momento de la investidura de Donald Trump, la posverdad ha hecho una brutal irrupción en el destino de nuestras vidas con sus múltiples afirmaciones manipuladoras lanzadas en el espacio ubicuitario, y basadas esencialmente en la rumorología. Son propagadas masivamente por las redes sociales, apoyadas por las campañas de “likes” convertidas en autorealizantes y traídas por el efecto amplificador de los “algoritmos” y sus “filtros de burbuja”, gracias a la facilidad binaria del “me gusta”. En el siglo XX, la “propaganda de masas” Edward Bernays industrializó la “manipulación de los espíritus” con un modo operativo reflexivo, dando lugar al “marketing”, dirigiendo y desviando perfectamente las emociones a favor del beneficio de los industriales y los políticos. Frente a la post-verdad, el “fact checking”, como proceso de verificación sistemático de los hechos para contrastar los rumores, pena a imponerse.

En estos tiempos de hiperconectividad, convertir una verdad fáctica y objetiva, en una simple opinión del locutor, dando lugar preponderante al mensaje y a la manipulación de los hechos, es el desafío principal para los promotores de la posverdad. A través de las neo plataformas de generación de rumores y desinformaciones como las Breitbart se erigen en constructores de “valores de creencia” de masas.

Aprovechando el efecto complementario de la viralidad de las plataformas convertidas en omni-medios, como Facebook, Google y otras, la hazaña de estos promotores es dar a cada persona el sentimiento de ser única, de ser original, cuando en realidad, este fenómeno es impulsado por el desarrollo de un comportamiento masivamente homogéneo, detrás y a favor de un jefe autoritario, a quien además poco le importa en realidad la opinión de cada cual pues el actúa a su guisa.

Para poder ser combatida, esta deriva debe ser analizada en la convergencia de 3 nuevos fenómenos principales presentes en este decenio: la hiperfragmentación, la singularidad negativa y la hiperdata.

a) 30 años tras la caída del Muro de Berlín, 20 años tras el nacimiento de Internet, 10 años tras la aparición del Smartphone, y 2 años tras la popularización de internet de las cosas, lo que está dominando contrariamente a las apariencias, no es la hiperconectividad sino la hiperfragmentación. La humanidad nunca ha tenido tanta capacidad para comunicarse, y al mismo tiempo, el individuo nunca ha estado tan aislado. La actitud de “proximidad de lo desconocido” para citar a E. Levinas, el reconocimiento del Otro y la calidad de la vida social caracterizada por el altruismo y la trascendencia como fuente de inspiración, no se han producido todavía. En su lugar, asistimos a una forma de la desconexión humana, donde cada uno, recogido en sí mismo, se construye su propia verdad, fuente de manipulaciones. Más allá de la posverdad, este sutil sistema de creencias personales se ha venido a sustituir el pensamiento objetivo y al análisis racional de los hechos.

b) En un mundo en crisis que bascula mayoritariamente hacia las ciudades, hay una cultura de vida urbana que tiende a desarrollar la «singularidad negativa», la vida anónima, aislada en un no-lugar, impersonal y con una visión negativa de sí mismo y de los otros, con una baja auto estima, y dándole piso a una gran desconfianza en los otros. Es el fracaso de la capacidad de reconocerse en el Yo y en el Otro, quien es percibido como una amenaza. Luchar contra esta tendencia requiere una vida urbana creadora de vínculos sociales, de hiperproximidad, para que la burbuja de los filtros personales eclosione en beneficio de la mezcla con los Otros, generando la movilización y participación cívica. Necesitamos así un ciudadano integrado en un entorno de recursos inspiradores y creativos.

c) En la hora del Big Data, uno de los efectos constatados en este decenio del siglo XXI es la presencia masiva del hiper data, los datos que escapan a su calidad intrínseca de simple medida bruta, de indicadores a racionalizar, a comprender en el contexto de su producción, volviéndose sin mas, generadores de comportamientos y motor de tendencias. El hiper dato son los datos – rumores de masas transformados en fake news, convertidos en tendencia, (Trend Topic y ultra plebiscitados). Se trata de una fuente que por esencia ahí que verificar, tratar, analizar y comprender, y que sobrepasa todas estas etapas racionales para ser erigida como “verdad innegable”, propagándose por todas partes, y que vivirá su vida como una herramienta, ahora poderosa, de esta nueva guerra de culturas sin compasión en la que estamos, por todo el mundo, confrontados.

Pérdida de confianza, interacción emocional y ausencia de comprensión de los hechos y del contexto se convierten en el motor de las acciones colectivas, dando lugar a situaciones donde los resultados son imprevisibles, como lo vemos en el caso del Brexit, de la elección de Donald Trump, del triunfo del No al Acuerdo de Paz en Colombia.

El combate será largo y arduo. Hay que afrontarlo con lucidez pero con compromiso y sin tardar, pues es indispensable, porque se trata de la calidad de nuestras vidas y sobre todo de la de las generaciones por venir.